Mardi, il y a de cela deux jours maintenant, j'ai vécu une expérience à ranger dans le registre de ma mémoire comme étant « à ne pas oublier »! J'ai subi une opération. Non pas que ça ne m'était jamais arrivé mais considérant les dates auxquelles c'étaient arrivé ainsi que ma mémoire super efficace, je n'en avais qu'un vague souvenir…
Il y a 40 ans, je subissais ma première intervention pour une hernie inguinale. J'avais 7 ans et ça se passait au centre hospitalier de Val-d'Or parce qu'à Senneterre, il n'y avait pas vraiment ce que l'on pourrait appeler un hôpital. Je pense que ça s'était bien passé puisque, apparemment, quelques heures à peine après, je jacassais déjà avec les infirmières au poste de garde. Je ne me souviens pas mais c'est ce qu'on m'a raconté.
Quatre ans plus tard, je récidivais. Je ne sais si j'avais bougé trop vite la première fois mais ce que je sais c'est que rendu à 11 ans à l'hopital Comtois de Louiseville, je fus opéré une seconde fois pour une hernie inguinale. On me l'a dit aussi…
Donc, cette semaine en y pensant, j'étais un peu préoccupé par l'inconnu… mettons! D'autant que je ne me contentais plus d'une hernie inguinale comme dans le temps, ç'aurait été trop simple! Non, cette fois j'avais décidé d'upgrader vers l'hernie ombilicale. C'est le cas de le dire, je montais dans la hiérarchie. Peut-être n'était-ce que la suite de la grossesse sympathique que j'avais faite en même temps que Chantal il y a un peu plus de 7 ans quand Marilou est apparue dans nos vies. Comme on peut d'ores et déjà le constater, mes connaissances médicales sont très très limitées. Rien pour se rassurer à l'approche d'une intervention chirurgicale.
J'ai donc vu un chirurgien le 7 janvier dernier à l'hopital Jean-Talon pour une intervention mineure et comme j'avais en ma possession mon ti-papier de consultation pour une hernie ombilicale, je me suis empressé de lui montrer pendant qu'il s'exécutait sur mon bras gauche. Il a regardé cela d'un œil tout en continuant à triturer le kyste qui s'obstinant à vouloir demeurer à l'intérieur. Ça saignait mais quand même! Je pouvais enfin voir une intervention « live » sans avoir à passer par le truchement de la télé via House ou Grey. En donnant un ptit coup sec pour tirer dessus comme il l'aurait probablement fait pour extraire une huître de sa coquille, il m'a dit : « Vous voulez ça quand? » De même, net, fret, et sec! Pris au dépourvu, je lui ai répondu que le plus tôt serait le mieux, en espérant quelque chose comme dans 2 ou 3 mois. En refermant rapidement ma plaie à l'aide d'outils dignes des grands couturiers, il a dit : Je vais vous donner un papier pour aller passer un ECG, allez-y pendant que je remplis la demande d'admission. Une machine que je me suis dit!
Je suis sorti de la salle, armé de mon papier et de mon nouveau bandage… J'avais fier allure! Je me suis rendu à l'ECG en me disant que j'aurais le temps de lire quelques pages mais non, quelle ne fut pas ma surprise en entendant la médame me dire, tout de go, allez dans la salle 3 monsieur Balleux, le technicien s'en vient. Effectivement, je n'étais pas atterrit dans ladite salle 3, que le technicien en question apparaissait comme par magie. « enlevez le haut! » qu'il me dit. Je me suis exécuté aussitôt. Je me suis couché sur le semblant de civière, il m'a plogué des petits machins sur le ventre et dans le temps de le dire, la machine juste à côté recrachait un autre ti-bout de papier qu'il m'a tendu en me disant de redonner le tout au docteur. Je dirais que ça ne faisait pas dix minutes que j'avais quitté le docteur lorsque je suis revenu en me disant qu'il devait être en train d'en charcuter un autre au rythme où il allait et que je devrais attendre un peu. Ben non, au moment où je me pointais, il ressortait d'une autre porte en me tendant la main pour prendre possession du ti-papier en question. Tout est une question de ti-papier je pense. Il l'a regardé, m'a regardé et puis il m'a dit en se dirigeant vers un autre comptoir : « le 18, est-ce que ça vous va? » et moi de répondre du tac au tac parce que j'ai habituellement la répartie facile : de quel mois? Et lui de me regarder comme si j'étais un martien : « Janvier! ». Je n'ai pas osé lui demander quelle année. C'est ainsi que mardi dernier le 18, j'entrais dans la salle d'opération.
La veille, on m'avait appelé, tel que promis, pour me dire à quelle heure me rendre là-bas. À midi, je devais me présenter à l'admission pour une opération prévue à 15h. Je serais dans les derniers opérés de la journée. Autrement dit, il y aurait probablement du retard…
Je suis donc arrivé à l'admission vers 11h30. Vous me connaissez, jamais je n'oserais avoir du retard. Surtout pas pour une aventure semblable! Enfin bref, je me disais que j'attendrais peut-être un peu plus mais dans mon « Ford » intérieur, il y avait un léger espoir qui me titillait en me répétant que, peut-être je pourrais passer avant un autre qui serait en retard. Que voulez-vous, j'ai gardé mon cœur d'enfant. De l'admission, je me suis retrouvé vers la chirurgie d'un jour où j'ai été aussi très bien accueillit. On m'a assigné le lit 558-1. J'étais content car le lit 558-2 ou plutôt son passager, était déjà parti en chirurgie et il n'y avait qu'une dame attendant son retour. Elle ne parlait pas beaucoup français, nous n'avons donc pas eu à lui parler outre mesure Chantal et moi. Nous avons été tranquilles jusqu'à ce que cet hurluberlu et son énorme verre de café Tim Hortons – j'étais à jeun depuis minuit la veille et il devait être plus de 13h – se pointe dans la chambre en hurlant qu'il était pressé d'en finir. Une petite infirmière à ses trousses lui répétait sans cesse qu'il devait être à jeun pour se faire opérer et lui de lui répéter sans répit qu'il l'était. Peu m'importait qu'il le soit finalement, le point majeur était qu'il se retrouvait dans la même chambre que moi et l'autre monsieur qui n'y était pas momentanément. Je me disais que ça ne balancait pas. En plus, il sentait, non plutôt puait le cendrier à plein nez! Et ben je me trompais, trois lits devaient se trouver dans cette minuscule chambre! On va donc appeler ce personnage 558-3! Il est donc reparti fumer immédiatement après avoir enfilé sa belle jaquette d'hopital. Un autre répit. L'infirmière lui répétait encore qu'il ne pouvait aller fumer… Je pense qu'il était sourd. Il ne l'a pas écouté en tout cas. On a été tranquille pour un bout de temps. Une autre infirmière est passée me voir entre-temps pour faire officiellement l'admission d'usage avec les questions habituelles et les consignes que moi, j'avais fermement l'intention de suivre. Et nous avons patienté par la suite… En tout cas, Chantal dit que j'ai été relativement patient… avant l'opération. 558-2 a eu le temps de revenir au bercail pendant que 558-3 est sagement demeuré assis dans le couloir. C'est environ vers 14h41 qu'un préposé est venu pour me chercher pendant que 558-3 se demandait pourquoi ce n'était pas son tour à lui. Je crois que c'est lui que j'ai dépassé en arrivant tôt et en attendant discrètement mon tour. J'étais de plus en plus nerveux et quand je suis nerveux, j'ai tendance à dire des niaiseries – ok j'ai ouvert une porte à des commentaires dignes de : pas juste quand t'es nerveux, Balleux! – alors vous auriez dû voir ou plutôt entendre tout ce que j'ai pu dire… On s'est engouffrés dans un ascenseur le préposé, mon lit et moi. Vous saviez que dans le métro de Londres à chaque fois que le métro s'arrête il y a une voix qui dit : « Mind the gap » en faisant allusion à la différence de hauteur entre le quai et la rame de métro? Moi je ne le savais pas mais une amie m'avait mentionné cela un jour et je l'ai répété tout haut en embarquant dans l'ascenseur quand j'ai senti l'écart entre le plancher de l'étage et celui dudit ascenseur en me disant intérieurement que j'espérais qu'au retour, le préposé ferait plus attention étant donné ma toute nouvelle couture au bedon parce que la bosse était digne d'un beau nid-de-poule montréalais en plein mois de février.
Nous sommes ressortis à un autre étage, et ne me demandez surtout pas lequel. La même bosse en ressortant… à partir de ce moment, j'ai été pris en charge par l'équipe de la salle d'op. Une infirmière et un autre infirmier se sont approchés de moi munis de leurs masques chirurgicaux – qui à mon avis ne doivent plus être stériles comme bien d'autres choses lorsque ces gens retournent dans la salle d'op. Mais cela est une autre histoire – la madame s'appelait et doit encore s'appeler Aurélie et riait tout le temps. De qui elle riait, je ne le sais trop et je dois dire que ça ne m'a pas rassuré. Le monsieur, lui était un stagiaire, je ne le savais pas parce qu'il ne l'a pas dit mais je m'en suis vite rendu compte après qu'il eût tenté à deux reprises d'installer une intra-veineuse dans ma main droite. Quand il s'est réessayé une troisième fois, dans la main gauche cette fois, je lui ai gentiment dit : « T'en fais pas, ça va bien aller! ». il m'a répondu que ce devrait être lui qui me dit ce genre de choses mais tout le monde est parti à rire et l'anasthésiste a pris l'aiguille de ses mains et d'un geste rapide et précis, elle l'a enfoncé au bon endroit au bon moment tel un but dans la lucarne de Cammalleri en fin de troisième. Tout le monde s'est donc présentant me rappelant à certains égards certains coquetels auxquels j'avais déjà participé. Nous nous sommes par la suite dirigés vers la salle d'opération. En ouvrant la porte que poussait la civière sur laquelle je reposais, j'ai trouvé qu'il y avait énormément de monde… tout cela pour moi! J'étais ému et tout ce que j'ai pu dire fut : « Il y a bien du monde ici! Quelqu'un a amené de la bière, on va faire un party! » Éclat de rire général. Je ne sais si c'était la nervosité mais Aurélie doit encore la rire. Tout le monde tournait autour de moi. C'est dans ce genre d'occasion que l'on prendrait volontiers une autre paire d'yeux en arrière de la tête pour voir ce qui s'y passe… à un moment donné, j'étais assis sur mon lit or whatever you call it et quequ'un dans mon dos a dit : OK alain, tu vas courber ton dos comme le font les chats dans un français approximatif. Je lui alors répondu que j'étais allergique aux chats et il a donc choisi la banane comme exemple. J'ai compris et en un rien de temps, l'épidurale ou la rachi pour les mieux informés était faite. Un ou deux petits picotements dans le dos, et voilà! Ils m'ont recouché, ont installé le drap qui sert de mur pour que les patients ne voient surtout pas ce qui se passe derrière et plein de monde continuait de me parler. À partir du bassin jusqu'aux orteils, je ne sentais plus rien. J'étais conscient que plein de monde s'affairaient de l'autre côté du drap mais je ne sentais rien. 10 ou 15 minutes après, j'ai entendu : « Voilà, c'est fait Alain! » Le drap est alors redescendu, j'ai à peine vu aurélie qui terminait le pansement « ÉNORME » comme l'a qualifié Marilou. J'étais toujours engourdi. Drôle de sensation! J'avais l'impression que mes jambes étaient un peu surélevées, je ne sais trop sur quoi, mais surélevées. Ce n'était pas le cas…
On est repartis, clopin-clopant vers ce que l'on appelle la salle de réveil. J'ai faillit vomir un peu, je ne sais pas quoi puisque je n'avais rien mangé depuis la veille. Rien à extraire de là et de toute façon, c'est comme si je n'en avais pas eu la force. J'en ai perdu un bout. Genre de black-out…
Au bout d'un moment, je me suis réveillé et j'avais terriblement soif. La pensée que j'ai soudainement eue est la suivante : « Où sont donc mes jambes? ». Je ne les sentais plus et je ne les voyais plus parce que couché et incapable de me lever le haut du corps. Un peu paniquant. Mes bras bougeaient quoique bien mélangés au travers de différents tuyaux. J'ai réussi à soulever une main. Une infirmière est apparue immédiatement. Elle souriait et semblait me parler. Ça a pris quelques secondes avant que je ne l'entende. Elle me disait que tout allait bien mais on voyait bien que ce n'était pas elle qui venait de perdre ses deux jambes! Elle m'a rassuré en me confirmant qu'elles étaient là toutes les deux, encore attachées à mon corps bien que je ne les vois pas.Elle ne m'a pas donné d'eau non plus. Elle avait définitivement réponse à tout! Je ne me souviens plus de son nom…Je me suis tranquillement réveillé. 558-3 a ensuite fait son apparition dans le décor. Le charme était rompu. La tranquillité s'était peu à peu évanouie pour faire place à un insoutenable vacarme. Il était prêt à partir, le cave, bien qu'il ne sente pas ses jambes lui non plus. Ils ont dû lui expliquer que ce n'était pas encore possible mais il ne semblait pas comprendre. Moi, je l'avais vu avant et je savais que ces dernières perdaient leurs temps à lui expliquer quoique ce soit. Rien à faire avec ce genre de type.
J'ai par la suite été redirigé vers le 615-1 en attendant de dégeler un peu. En fait, mon ticket de sortie ne pouvait s'obtenir qu'avec deux conditions : être capable de me tenir debout sans tomber et pouvoir uriner. Mon beau-père l'a toujours clamé haut et fort que pour sortir de l'hosto, on doit pisser. Il avait donc raison, encore une fois! J Vers 20h, mon ptit pipi doré était fait et je tapais du pied pour pouvoir sortir, comme quoi j'étais prêt! Ils ne m'ont pas retenu longtemps, mes deux infirmiers, Valérie et Moubareck – j'espère bien l'écrire – se sont très bien occupés de moi.
Ainsi donc s'est achevé mon court séjour à l'hopital Jean-Talon. Je tiens à remercier tout le personnel que j'ai pu rencontrer pendant mon aventure. Continuez votre bon travail parce que je crois que vous le faites très bien compte tenu de toutes les circonstances qu'on connaît.
Je suis donc de retour à la maison sans pouvoir pelleter cette belle neige qui nous est tombé dessus. Ma blonde ne veut absolument pas que je touche à la pelle et je dois dire que je suis unpeu d'accord avec elle. Ce serait dommage d'abimer de la haute couture ainsi.
Alain